NB : Afin de faciliter la lecture, l'ordre chronologique est inversé. Les évènements les plus récents se trouvent donc en haut de page.
Si vous n'avez pas encore découvert le début de mon aventure, rendez-vous dans la page " L'Europe ".
L'Asie du sud-est
Mars - Qvril 2025


Mon visa vietnamien de 45 jours devrait me laisser le temps de rejoindre tout d'abord la capitale Hanoï au nord, puis Ho Chi Minh Ville à l'extrême sud du pays. Si besoin, j'emprunterai un bus de nuit pour rattraper le temps perdu... enfin, pas vraiment perdu. Car selon mes envies, je fais des détours pour visiter des sites qui me paraissent intéressants. C'est ce qu'il se passe en ce lundi 3 mars. Plutôt que de longer la mer en direction de Hanoï, je vire plein ouest, vers les montagnes de la réserve naturelle de Pù Luông.
Sur la route, je fais une halte dans une maison d'hôtes tenue par Michael, anglais de 67 ans, et sa femme. Je suis le seul client. Toute la soirée, Michael est donc aux petits soins avec moi et me conseille sur les points d'intérêt à voir. Quand j'arrive au coeur de la réserve, je m'installe dans un bungalow typique de la région. De là, je peux observer les montagnes couvertes d'une végétation luxuriante et impénétrable.
Au cours de la journée suivante, je roule jusqu'à la vallée voisine pour grimper ensuite au village de Ban Don. La moindre pente est aménagée en terrasses de rizière. Au village, la vue de ces dernières, avec pour toile de fond les montagnes, est magnifique. Je contemple ce panorama jusqu'à en avoir mal aux yeux. De retour au bungalow, je troque mon vélo pour mes bâtons de marche.
Une cascade voisine attise ma curiosité. Malheureusement, le manque d'eau enlève tout intérêt et je rentre déçu. Malgré tout, je suis content de ma journée bien remplie.
Je me trouve souvent dans les villages aux heures de sortie des classes. Les rues sont alors envahies par les écoliers, vêtus de leur uniforme bleu et blanc et se déplaçant à pied ou à scooter. Et je ne suis jamais serein car les bus et camions traversent les localités à tombeau ouvert, et même se doublent, au beau milieu des enfants, les klaxonnant pour qu'ils restent au bord... Je suis effrayé de voir comment se comportent ces véhicules face aux plus vulnérables. Par contre, la bonne humeur et les gestes amicaux des jeunes me réjouissent. De la même façon qu'un ourson traversant un essaim d'abeilles avec son pot de miel a toujours quelques insectes qui le poursuivent, j'ai systématiquement un groupe d'enfants à mes trousses. Pendant quelques kilomètres, ils m'encouragent, me demandent mon nom chacun à leur tour d'un "What's your name ?" enjoué. Leurs rires brisent ma solitude pour mon plus grand plaisir. Parfois, certains m'arrêtent pour prendre une photo avec moi.
Aujourd'hui, le destin me fait changer de route au dernier moment et me permet ainsi de dépanner un papy à vélo. Armé d'un minuscule bout de bois, il s'échine à essayer de sortir la chaîne coincée dans le carter du pédalier.


Rizières en terrasse dans la réserve naturelle de Pù Luông
Avec Quanh pour un selfie
La rue du train (Hanoï)
Je stoppe à sa hauteur, descends de mon vélo et sors mes outils. Par des gestes, je lui fais comprendre que je vais l'aider. Après avoir démonté le carter, je remets la chaîne en place et revisse le cache. C'est les mains pleines de cambouis mais heureux d'avoir rendu service à cet homme que je reprends mon chemin.
La circulation dans Bangkok m'avait stupéfié par l'absence de réelles règles de circulation. Lorsque j"entre dans Hanoï à vélo, c'est le nombre de motos qui me laisse sans voix. La capitale compte tout simplement 6 millions de motos pour 8 millions d'habitants ! Après plusieurs semaines de vélo en Asie, rouler au milieu de cette véritable fourmilière motorisée ne m'effraie pas. Au contraire, je prends un certain plaisir à me laisser emporter dans ce flot incessant, rythmé par les coups de klaxon continus. En effet, comme il n'y a pas vraiment de règles (hormis que la priorité va du plus gros véhicule au plus petit), en arrivant à un carrefour, les véhicules klaxonnent pour signaler qu'ils vont le franchir. Mais si vous ne voulez pas passer la journée à attendre, il vaut quand même mieux s'engager. Pas de souci, les autres s'arrêtent alors pour vous laisser passer.
Ce dimanche, je pars en excursion dans la baie d'Halong.
Au programme, balade en bateau et visite de la grotte Sung Sot (appelée grotte de la surprise). La baie d'Halong, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO compte pas moins de 2000 îles calcaires, recouvertes d'une végétation luxuriante. Elles émergent de la mer dans toute leur verticalité, donnant au site sa majestuosité. Le plafond nuageux et la grisaille ajoutent une touche de mystère au tableau.
De retour à Hanoï, j'entreprends d'en faire le tour à vélo le lendemain. Le crachin et le brouillard m'empêchent cependant d'apprécier pleinement l'authenticité de cette ville qui, malgré sa dimension importante, paraît être restée à taille humaine. L'absence de grands immeubles modernes lui confère une éternelle rusticité. Au rayon des curiosités à ne pas manquer, on trouve le temple de l'Epée de la Tortue et la rue du train où circule le train frôlant les terrasses des cafés qui la bordent.
Une centaine de kilomètres au sud de Hanoï se trouve la "baie d'Halong terrestre", près de Ninh Binh. Une fois sur place, je loue un scooter pour parcourir la boucle de cinquante kilomètres à travers le site. Mais la pluie s'en


La baie d'Halong
mêle et progressivement l'épais brouillard fait disparaître les montagnes et rizières.
La pluie de la veille est toujours là quand je m'élance pour rejoindre la côte. Et bien sûr, c'est la journée où j'emprunte de nombreux chemins et rues en travaux. Caracol et moi sommes très rapidement couverts de boue de la tête aux roues. En fin de journée, je longe la longue plage de Sam Son. Malgré les 25°C, l'épais brouillard diffuse un froid me transperçant les os et masque à ma vue la mer toute proche.
En arrivant à Hôi An, au centre du pays, j'ai bon espoir de laisser derrière moi le mauvais temps qui m'accompagne depuis que j'ai franchi la frontière il y a une vingtaine de jours. La vieille ville de Hôi An, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1999, bien qu'envahie par de nombreux touristes, dévoile un charme dont on ne peut rester indifférent. Les rues étroites sont bordées de petites maisons typiques aux murs jaunes décrépis dans un mélange de styles architecturaux européens et asiatiques. Dès la tombée de la nuit, la cité et les nombreux bateaux traditionnels s'illuminent de centaines de lanternes dans une ambiance incroyable.


Pont Long Biên (Hanoï)


Baie d'Halong terrestre ( Ninh Binh)


Baie d'Halong terrestre ( Ninh Binh)












A 35 kilomètres de là se trouve le sanctuaire de My Son, ensemble de temples construits par le peuple Cham Pa entre le IVème et le XIIIème siècle. Je passe une demi-journée à parcourir le site dédié au culte des divinités hindoues Vishnu, Krishna et Shiva.
Cette pause de trois jours à Hôi An m'a fait du bien. Je suis en pleine forme. De plus, le soleil daigne enfin faire son apparition dans le ciel azur. Guidé par des des petites routes ponctuées de villages, je passe une journée agréable. Le profil du terrain est plat, me permettant d'atteindre les 113 kilomètres lorsque j'arrive à Quang Ngai. Cependant, les journées se suivent mais ne se ressemblent pas. Cette partie du Vietnam compte peu de routes secondaires, ce qui m'oblige à rouler sur des 2x2 voies. L'avantage est que ma vitesse s'en trouve élevée. Un petit évènement va tout de même rompre la monotonie d'une étape sur le point de se terminer. Un jeune à scooter fond sur moi et se porte à ma hauteur. Tout sourire, il me tend une bouteille de limonade puis se positionne derrière moi. Je le remercie d'un geste de la main et m'arrête un peu plus loin pour discuter avec lui. Mais il me dépasse et disparaît. En fait, il souhaitait juste me faire plaisir sans rien attendre en retour. Décidément, les vietnamiens sont surprenants de gentillesse !
Je retrouve ensuite des petites routes serpentant dans un décor de montagnes et de forêts. Je prends de l'altitude. Trois difficultés sont à franchir aujourd'hui. Les deux premières ont des pentes allant jusqu'à 12 %. La deuxième montée, sous le chaud soleil, m'oblige à mettre pied à terre et à pousser Caracol sur 600 mètres. Au sommet, je suis exténué mais ravi d'admirer le panorama que j'ai sous les yeux.
Sanctuaire de My Son
Plutôt que parcourir les 80 kilomètres me séparant d'un petit hôtel que j'ai repéré sur la côte, je fais une halte à Tuy Hòa, ville balnéaire distante de 40 kilomètres. J'ai envie de me baigner et de profiter de la plage pendant les deux prochains jours. En soirée, je vais justement me balader sur la plage puis je mange dans un petit boui-boui sur le trottoir, comme il m'arrive de le faire de temps à autre. Mais je sens que la soupe de nouilles me reste sur l'estomac. Cette intoxication alimentaire me cloue aux toilettes pendant 24 heures. Elle provoque une sévère déshydratation qui se termine par un malaise avec perte de connaissance.
Lorsque je reprends conscience, je ne sens plus mes bras et mes jambes... Anh et son mari Ý, les gérants de l'auberge de jeunesse où je réside, me conduisent aussitôt à l'hôpital. Là, après quelques examens et une nuit passée dans le couloir des urgences, on me déplace dans... celui du service de cardiologie. Mon lit, comme celui de tous les patients présents dans les couloirs de l'hôpital, se résume à deux nattes posées sur un sommier en lattes métalliques. Au réveil, je me sens démuni dans cet hôpital digne de la période soviétique. De plus, aucun médecin ne vient me voir pour s'enquérir de ma santé et me donner les résultats des examens.
Heureusement, dès le petit jour, Anh me rend visite. Elle me tient compagnie toute la journée et m'apporte à manger. Nous avons tout le temps de faire plus ample connaissance. Le lendemain samedi, elle est de retour à mon chevet en compagnie de Ý. Elle se démène pour avoir des informations auprès du corps médical qui ne parle pas un mot d'anglais... en vain. Finalement, le médecin explique qu'il faut attendre le retour du chef de service lundi car il ne veut prendre aucune responsabilité.
Je demande alors à mon assurance (avec l'aide précieuse de l'autre Anne en


Mes anges gardiens Anh et Ý
France) de me transférer dans un autre hôpital car je ne peux plus rester ici, dans des conditions indignes et sans aucun soin. L'acharnement des deux Anh/Anne pendant plus d'une journée porte ses fruits. Je serai transféré à l'hôpital de Ho Chi Minh Ville lundi.
Voilà 72 heures que j'attends je ne sais quoi dans un hôpital qui n'en a que le nom. Je suis épuisé physiquement et moralement. C'est alors que me rendent visite les employés de l'auberge Hiền, Aster et Bảo. Ils m'entourent de leur sympathie. Leur réconfort me fait chaud au cœur. Une fois seul, l'émotion m'envahit, et je pleure, en pensant à tout ce qu'ils font pour moi alors qu'on se connaît à peine.
A Ho Chi Minh Ville, après une batterie d'examens et une bonne cure de sommeil, je sors de l'hôpital au bout de trois jours. Néanmoins, j'ai besoin de prendre du repos. Je profite de la présence d'Hélène et Dominique pour me regonfler d'énergie. J'ai hâte de rejoindre Tuy Hòa pour passer quelques jours aux côtés de mes nouveaux amis et les remercier de leur aide.
Lors de sa visite à l'hôpital, je me suis lié d'amitié avec Aster. Son soutien m'a été précieux au moment où mon moral était au plus bas. Je suis donc impatient de la retrouver. A Tuy Hòa, pendant cinq jours, je partage le quotidien de l'équipe de l'auberge de jeunesse. Ý et Aster me font visiter la magnifique côte de Phú Yên où alternent plages et falaises. Nous prenons de la hauteur par la route côtière pour contempler la plage de Bai Mon, dominée par le cap de Dai Lanh et son phare, à l'extrémité la plus orientale du pays. Plus loin, nous nous enfonçons à pied à travers un bosquet derrière lequel se dévoilent une baie paisible où vivent quelques familles de pêcheurs. La plage déserte et bordée de cocotiers est superbe. Si le paradis est au Vietnam, j'y suis assurément ! Un matin, nous allons admirer le lever du soleil puis le soir son coucher.


Je passe la plupart du temps en compagnie d'Aster qui s'assure que je vais bien et que je ne manque de rien. Nous passons de longues soirées à discuter et nous balader à pied ou à vélo le long de la plage ou sur la colline qui domine la ville. Sans m'en rendre compte, je reçois une belle en plein cœur. Il va m'être difficile, voire impossible de l'extraire sans aucune séquelle.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Il est temps pour moi de partir vers d'autres cieux. C'est avec beaucoup de regrets et de tristesse que je quitte des personnes qui, par leur bienveillance et leur constante attention, sont devenues pour moi une famille.
Je repars pour Ho Chi Minh Ville où je délaisse mon vélo pour le bus et le bateau qui m'emmènent sur l'île de Phu Quoc. J'ai toujours des douleurs aux cervicales, qui se propagent dans les bras et les jambes, dues à la chute lors de mon malaise. Je préfère patienter une semaine avant de remonter en selle. Mais j'ai le moral en berne car, en plus de mes pépins physiques, Aster et les autres me manquent. J'ai beaucoup de mal à renouer avec ma solitude. Je traîne mon blues sur le sable blanc d'une plage paradisiaque. Un comble !
Une fois de retour à Ho Chi Minh Ville, je décide de reprendre la route à vélo pour me changer les idées. Direction Phnom Penh, la capitale du Cambodge.


Au moment de franchir la frontière, je me retourne une dernière fois vers le Vietnam. Pendant deux mois, j'ai vécu tant de moments intenses dans ce pays ! Je suis passé par toutes les émotions, de la joie des rencontres et des amitiés aux doutes sur ma santé et peines de la séparation. Je laisse derrière moi des gens extraordinaires de générosité et de bienveillance. Des larmes roulent sur mes joues jusquà la commissures de mes lèvres. La tristesse a un goût salé.
Les quatre jours de route ne sont qu'incertitude et interrogations. Mes douleurs aux cervicales sont accentuées par ma position sur le vélo. De plus, je ressens une sorte de fatigue constante alors que ça fait un mois que je n'ai pas pédalé. Mon moral joue aux montagnes russes. Un jour, je suis motivé puis le lendemain, je doute de ma capacité à poursuivre l'aventure.
A Phnom Penh, je consulte un médecin qui me prescrit un traitement. Une semaine plus tard, face à l'absence d'amélioration, je prends la décision de rentrer en France pour me soigner. Le plaisir de rouler ayant disparu, il ne sert à rien d"insister.
Mais auparavant, je me rends en bus aux temples d'Angkor que je souhaite absolument découvrir. Pendant une journée et demi j'arpente l'immense site
archéologique comprenant des dizaines de temples disséminés dans la jungle tropicale. Angkor fut la capitale de l'empire khmer du IVème au XIVème siécle. Les temples les plus beaux et les plus intéressants sont pour moi :
Bayon, de par sa taille et le nombre important de bâtiments qui le composent, mais aussi les innombrables sculptures de visages de bouddha.
Neak Pean : situé au milieu d'un lac, il est composé de cinq bassins. La sérénité du lieu est apaisante.
Ta Prohm : les murs de ce temple ont été envahi par les arbres dont les racines se confondent avec la pierre. Ici, la jungle a repris ses droits sur les constructions.
Angkor Wat : le plus grand et le plus célèbre temple du site. Son état de conservation exceptionnel, ses bas-reliefs gravés sur des centaines de mètres et ses nombreuses salles en font une oeuvre à découvrir absolument.


Temple de Bayon
Il y a dix ans, lorsque l'idée d'un tour du monde à vélo germait dans ma tête, il n'était pour moi pas question d'aller en Asie. En effet, cette région du monde ne m'attirait pas outre mesure. Mais en préparant mon périple quelques années plus tard, mes envies évoluaient et l'Asie revenait avec insistance.
Aujourd'hui, je peux dire que les quatre mois passés à parcourir la Thaïlande, le Laos, le Vietnam et le Cambodge resteront gravés à jamais dans ma mémoire. Sur le plan humain, on ne rentre pas indemne d'une telle aventure. Bonne humeur permanente, gentillesse, générosité et bienveillance sont autant de qualités propres à cette population asiatique. Bien sûr, pour les découvrir et les apprécier, il faut sortir des zones touristiques et plonger au cœur de l'Asie profonde, celle où les gens ne possèdent pas grand-chose mais donnent tout sans rien demander en retour.
A suivre...
Temple d'Angkor Wat








Aster
Avec Dominique et Hélène, à Ho Chi Minh Ville
De gauche à droite : Bảo ,Hiền, Aster, Anh et Ý
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Vendredi 17 janvier. Cela fait trois mois que je suis rentré en France pour soigner mon entorse de la cheville. Aujourd'hui, je ne ressens plus de douleur grâce aux nombreuses séances de kiné. Il est donc temps de reprendre la route.
Au vu des conditions hivernales en Europe, j'ai décidé de faire l'impasse sur la partie Croatie/Turquie pour redémarrer en Thaïlande. Mes bagages sont prêts et mon vélo est emballé. Hélène et Dominique, qui étaient venus me chercher à Lyon en octobre, m'emmènent à l'aéroport.
L'impatience de repartir a laissé place à l'appréhension de la découverte d'une culture complètement nouvelle. Une fois sur place, je devrai m'imprégner rapidement de l'Asie pour évoluer sereinement.
Aéroport de Bangkok, 15 heures plus tard. La première chose à faire est de remonter mon vélo pour rejoindre mon hôtel situé à 18 kilomètres. Les premiers coups de pédales sont hésitants car je dois trouver la bonne direction, et en plus ici on roule à gauche de la chaussée. L'hôtel sera mon point de chute pendant les trois premiers jours d'acclimatation dans la capitale. J'en profite pour aller visiter les principaux monuments.
Temple de Wat Pho (Bangkok)
Pour me rendre dans le centre-ville situé à une dizaine de kilomètres, je fais appel à une moto-taxi. Et pour une première mise en condition, je suis servi. Ici, les règles de circulation sont assez aléatoires. Pour résumer, chacun fait ce qu'il veut mais dans le respect des autres (en gros, c'est un bazar organisé). Mon pilote (dans ce cas-là, le terme de chauffeur ne serait pas approprié) change constamment de files pour doubler les autos, Aux zigzags succède la circulation interfiles au milieu des autres motos. On se pousse presque les uns les autres, tandis que certains remontent les rues en sens interdits. Et à chaque feu tricolore, j'ai l'impression d'être sur la ligne de départ des 24 heures du Mans. Les deux-roues s'élancent plein gaz pour franchir le carrefour.
Enfin, nous arrivons sains et saufs devant le temple de Wat Pho. Je pénètre dans l'enceinte, découvrant une multitude de monuments dédiés à Bouddha. Il y en a de toutes les couleurs. Vert, rouge, or, bleu ou blanc. Les murs extérieurs sont sculptés de nombreux motifs en mosaïque dorée ou faïence multicolore. L'intérieur regorge d'innombrables statues de Bouddha, de taille plus ou moins imposante. Puis je me rends au temple du Bouddha d'Emeraude.


Tous ces monuments ont été construits par les rois qui se sont succédés à la tête du royaume.
Le Grand Palais, autrefois résidence du roi, accueille maintenant les réceptions et visites des chefs d'états étrangers.
Mercredi 22 janvier. Les choses sérieuses commencent. L'objectif de cette première journée de vélo est simple. Sortir de Bangkok sans encombre pour m'éloigner de la pollution et retrouver la verdure. Depuis ma virée en moto-taxi, j'applique à vélo les principes de base de la circulation locale. Ne pas se formaliser avec le code la route et être vigilant. Et ça se passe plutôt bien car les véhicules à quatre roues ont l'habitude de côtoyer les deux-roues, même sur les axes à 2x2 voies (la bande d'arrêt d'urgence est ici réservée aux deux-roues).
A Ayutthaya, ancienne capitale de la Thaïlande, autrefois royaume de Siam, je visite le parc historique composé de temples en ruines mais dans un assez bon état de conservation. L'importance du site témoigne de la grandeur passée de cette ville aux XIVème et XVème siècles.
D'Ayutthaya je remonte plein nord jusqu'à Nakhon Sawan, en longeant le fleuve Chao Praya. Celui-ci se jette dans le golfe de Thaïlande au sud de Bangkok.


Parc historique d'Ayutthaya
La route est plate, bordée de nombreux bananiers et palmiers. A perte de vue s'étendent les rizières.
Le voyage à vélo fait sortir des sentiers battus. Les traversées de villes et de villages se font par des petites rues puis les quartiers périphériques. Là, contrairement à un touriste qui n'emprunterait que les grands axes, je suis confronté à la pauvreté et la saleté. Certains thaïlandais vivent dans des maisons faites de bric et de broc, parfois au milieu des déchets. Très souvent les bords de routes sont jonchés de déchets plastiques de toutes sortes. Des décharges sauvages apparaissent ici et là. Me vient alors à l'esprit l'importance pour les pays riches de faire encore plus d'efforts sur les questions environnementales afin de compenser le retard des pays émergents, sinon l'humanité n'en aura plus pour très longtemps sur notre belle planète. De plus, une coopération entre tous les pays devrait être la priorité des dirigeants de ce monde sur le sujet de l'écologie, dont dépendent tous les autres domaines (catastrophes climatiques, santé, économie, ...).
A Nakhon Sawan, je prends la direction du nord-ouest, en suivant maintenant la rivière Ping. Il fait toujours aussi chaud depuis que j'ai quitté Bangkok. Le thermomètre affiche 37 °C en plein soleil. Quelques collines, au sommet desquelles se trouvent des temples, rompent la monotonie de la plaine. C'est alors que se dresse devant moi une petite chaîne de montagnes aux flancs abrupts. je me prépare à grimper quelques côtes. A ma grande surprise, je franchis ce relief sans m'en rendre compte par une passe.
Mon itinéraire emprunte maintenant des petites routes et chemins traversant les rizières et les champs de canne à sucre. Les gens me sourient et me saluent.
Jusqu'à maintenant, je dormais dans des chambres d'hôtel car leur faible prix (moins de 10 € la nuit) ne justifiait pas que je plante ma tente.


En plus, j'avais une douche chaque soir. Mais aujourd'hui, je fais mon premier bivouac. J'ai repéré un terrain de camping sur Google Maps. En arrivant sur place, je demande confirmation à un homme habitant à proximité. " Au bout du chemin, ce sont des rizières. Je vais t'y emmener pour voir " me dit-il. Une fois sur place, je lui dit que je vais quand même m'installer là, près de la petite cabane. " Pas de problème, me répond-il, si tu as besoin de quelque chose, dis-le-moi ". Une heure plus tard, je vais lui demander de l'eau pour ma douche. Et alors que je m'apprête à manger, c'est lui qui vient m'offrir des bananes avec un grand sourire. Merci ! Ce soir, le coucher de soleil sur les rizières est magnifique.
Ce bivouac m'a fait revenir à plus de simplicité et m'a rapproché des gens. C'est pourquoi je décide de demander aussi l'hospitalité dans les temples bouddhistes. Après une belle journée de vélo durant laquelle j'ai traversé une chaîne de montagnes et rencontré mon premier cyclovoyageur en Asie (un chinois se rendant en Malaisie), je suis accueilli par le moine novice Pote dans le temple de Wat Nong Bua Kham. Ils sont cinq à vivre ici et à étudier à l'école bouddhique voisine. Je questionne Pote sur son mode vie alors que lui est curieux de mon voyage. Plein de bienveillance, il est aux petits soins avec moi.
Parc historique d'Ayutthaya
Le lendemain matin, au moment du départ, il me remet une enveloppe contenant un petit mot rédigé en français, me souhaitant une bonne route et une bonne santé. Je suis touché par son attention et le remercie pour sa gentillesse.
Au temple de Wat Don Chai, c'est le moine Vut qui me reçoit comme un roi. Il m'ouvre une pagode dans laquelle je m'installe pour la nuit, face à une statue de Bouddha. Puis j'ai droit à un savon, un tube de dentifrice, une brosse à dents, des gâteaux et de l'eau. Rien que ça ! Vut, après avoir exercé deux métiers, dont celui d'entrepreneur, a tout plaquer pour devenir moine. Il est heureux ainsi. Nous passons la soirée à bavarder. Puis il m'entraîne dans un recoin de l'enceinte du temple pour me montrer la maison qu'il est en train de construire pour recevoir ses amis et les gens de passage. " Si tu reviens un jour, tu pourras dormir là ! ".
A Chiang Mai, je visite de nouveaux temples. Celui de Wat Chedi Luang est le plus beau que j'ai pu voir jusqu'à présent, grâce à son intérieur entièrement décoré. Les pagodes alentour sont tout aussi somptueuses.
Puis je fais une excursion en groupe dans le parc national de Doi Inthanon. Une randonnée de deux heures nous emmène au cœur d'une forêt vierge et luxuriante. Nous observons entre autres deux couleuvres venimeuses et quelques araignées. Au bout du sentier, nous découvrons le village de la tribu Karen qui cultive le café et confectionne des tenues traditionnelles grâce à un savoir-faire ancestral du tissage.
Ce soir, je reçois l'hospitalité de Sanqat, moine du temple de Wat Mae Pang. Il me propose de l'accompagner au Tak Bat, l'aumône des moines, le lendemain matin. Dès potron minet, je me rends donc avec lui dans le village voisin. Là, nous sillonnons les rues pour recevoir les offrandes des villageois


Une nuit dans une pagode du temple Wat Don Chai
qui nous attendent à l'entrée de leurs maisons. En échange, le moine les bénit par une prière. Certains viennent même s'agenouiller dans la rue pour avoir le droit à la bénédiction. De retour au temple, Sanqat fait l'inventaire de la nourriture récoltée et souhaite m'en donner une partie, ce que je refuse. Je lui suis déjà infiniment reconnaissant de m'avoir fait vivre une telle expérience.
Dans les environs de Lampang, dès que je prends un peu d'altitude, les rizières laissent la place à une forêt dense, ponctuée ça et là de cultures d'orangers.
En plaine, la chaleur est étouffante. Cet après-midi, il fait 46°C en plein soleil. Je suis obligé de faire une pause à l'ombre. Alors que je m'apprête à repartir, deux jeunes stoppent leur camionnette réfrigérée à ma hauteur. Le passager descend avec une glace à la main qu'il me tend avec un grand sourire. Puis il retourne chercher deux bouteilles d'eau et disparaît. J'ai juste le temps de le remercier.




Le Tak Bat, aumône des moines
Et je franchis enfin la frontière pour entrer au Laos. D'emblée, le contraste est saisissant. Ce pays est très pauvre. Les routes sont en mauvais état, les véhicules roulent très vite, surtout les camions et les bus qui klaxonnent les autres usagers. Je ne me sens pas du tout en sécurité. Les laotiens sont froids, ne sourient pas. Dans deux restaurants, les gérants m'ignorent complètement quand je demande à manger. Heureusement, je suis juste de passage dans ce pays pour ensuite rallier le Vietnam. Mais avant cela, je traverse le parc national de Phu Hin Bun où se trouve la fameuse grotte de Konglor. Cette dernière est traversée, sur 7,5 kilomètres par la rivière Hin Bun que l'on peut remonter en bateau. On peut ainsi admirer plusieurs salles de concrétions regroupant des stalactites et stalagmites. C'est magnifique.
Le parc est composé de nombreuses montagnes aux pentes verticales. Ce paysage de formations calcaires typiques me ravit. Je suis récompensé des efforts fournis pour franchir un fort dénivelé.
Ce matin, je vais pendre un petit-déjeuner dans un café. Quelques tables plus loin, une jeune fille se lève et se dirige vers la sortie. Sur le seuil de la porte elle se retourne et me demande : " C'est ton vélo ? Ah, ça fait plaisir de rencontrer un autre cycliste ! ". Isabel est américaine. Elle aussi se rend au Vietnam à vélo. En bavardant, nous nous rendons compte que nous emprunterons le même poste-frontière. Peut-être nous retrouverons nous sur la route.






Temple de Wat Pho (Bangkok)






Le moine novice Pote
Les moines de Wat Don Chai (à droite, Vut)


Temple de Wat Cheddi Luang (Chiang Mai)


Fleuve Chao Praya




Grotte de Konglor (Laos)
Je reprends la route et à ma première pause, Isabel me rejoins. Nous faisons donc plus ample connaissance. Je suis heureux de trouver enfin quelqu'un qui roule dans la même direction que moi. Les quelques cyclistes déjà rencontrés allaient tous dans l'autre sens.
A la frontière avec le Vietnam, le douanier nous soutire 50 000 dongs chacun pour apposer le visa sur nos passeports. A l'inverse, ses collègues gardes-barrières se mettent à discuter avec nous et nous offrent des bonbons. Le poste-frontière est en altitude et plongé dans un épais brouillard. Nous entamons une très longue descente dans le froid pour rejoindre la vallée. Le paysage est composé de montagnes recouvertes par une dense végétation tropicale. Je ne sais plus où donner de la tête tant je suis impressionné. Je prends énormément de plaisir à rouler dans cet environnement. Les vietnamiens, petits et grands nous saluent et lancent des " hello ! " à notre passage. Quel contraste avec les laotiens !
Le lendemain, dès la première montée, Isabel me dépose littéralement... Je la retrouve un peu plus loin accompagnée d'un enfant lui aussi à vélo. Un deuxième enfant à trottinette électrique se joint alors à nous pour former un joyeux peloton pendant quelques kilomètres. A quatorze heures, nous faisons une pause dans un café pour manger. Malgré l'heure tardive,


le gérant nous prépare une soupe de nouilles et nous donne une bouteille de jus de fruits. Nous sympathisons et, au moment de partir, il refuse que nous payions. Merci !
Après deux jours de vélo ensemble, il temps de se séparer. Isabel prend la direction de Ho Chi Minh Ville au sud, tandis que je me dirige vers le nord.
Chaque jour, la population vietnamienne me surprend par sa gentillesse. Ce midi, devant un restaurant, je n'ai même pas le temps de descendre de vélo que trois hommes me font une place à leur table, me donnent une bière et une assiette et me font signe de me servir. Au menu, seiches, escargots de mer et maquereau. Tout en discutant avec eux, je me délecte de cette nourriture. Alors que je pensais le repas terminé, la serveuse dépose sur la table du riz avec de l'entrelardé de porc et un bouillon. Nous finissons enfin par un thé. Et bien sûr, au moment de l'addition, ce sont mes hôtes qui m'invitent. Encore une fois, merci !














Temple de Pha That Luang (Vientiane - Laos)
L'une des pagodes jumelles du Parc de Doi Inthanon (Thaïlande)